Maladies chroniques

Une protection sur mesure pour les adultes vulnérables

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© Eric-Lussot-BELPRESS
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Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

Handicap mental de naissance, maladie d’Alzheimer, démence, cérébro-lésions, troubles psychiques… Autant d’affections qui peuvent mettre à mal l’autonomie dans les décisions à prendre au quotidien de l’existence. Actuellement, les adultes en situation de vulnérabilité peuvent être protégés via différents systèmes qui concernent leurs biens ou leur personne : minorité prolongée, administration provisoire des biens, conseil judiciaire…. Ces régimes ont fait l’objet de vives critiques : systèmes trop nombreux et rigides, règles complexes, et last but not least, régimes non con - formes aux exigences prévues dans les con - ventions internationales en matière de droits humains.

Attendue de longue date, une loi réformant ces systèmes de protection a été adoptée au Parlement fédéral en mars 2013(1). Elle entre en vigueur ce mois-ci. Mais attention, le nouveau régime ne concerne que les personnes qui introduisent une première demande de mise sous protection à partir du 1er septembre 2014. Pour les personnes déjà sous protection, une période transitoire est prévue et rien ne changera d’ici plusieurs mois, voire années. Ainsi, par exemple, le juge de paix a jus qu’au 1er septembre 2016 pour convoquer et entendre la personne sous administration provisoire et transformer la mesure selon les critères de la nouvelle loi. Pour la personne sous minorité prolongée, la date butoir est plus lointaine encore : le 1er septembre 2019.

Entre autonomie et protection

La plupart des systèmes existants sont supprimés par la nouvelle loi. A terme, exit donc la minorité prolongée, l’administration provisoire, le conseil judiciaire et l’interdiction judiciaire. Un seul statut global de protection subsistera à l’avenir(2). Il est basé sur l’actuelle "administration provisoire" des biens et est étendu aux décisions qui ont trait à la personne elle-même (choisir son lieu de résidence, se marier, reconnaître un enfant, exercer ses droits politiques...) "Selon le principe essentiel de la loi, chaque personne, même présentant des troubles du fonctionnement, doit pouvoir exercer elle-même ses droits, explique Olivier Beaujean, juriste à l’ASBL Droits Quotidiens(3). Le but est de mettre en place une mesure de protection adaptée aux besoins de la personne, en respectant ses capacités et ses demandes".

Deux types de protection seront envisageables, en fonction des situations individuelles :

  • La personne capable d’exprimer sa volonté organise elle-même sa protection, sans l’intervention d’un juge de paix (c’est la protection extra-judiciaire). Elle choisit librement un mandataire à qui elle délègue la gestion de ses biens ou des tâches précises comme, par exemple, la vente d’un bien immobilier. Le document qui consigne ce mandat doit être déposé chez un notaire ou au greffe de la justice de paix. Il est consultable auprès de la Fédération royale des notaires.

  • La personne est protégée à la suite d’une décision rendue par le juge de paix (c’est la protection judiciaire). Dans ce cas de figure, deux formes de protection existent : l’assistance ou la représentation. Elles peuvent concerner tant les biens que la personne elle-même. Si l’assistance suffit, le juge de paix désigne un administrateur chargé de cosigner des actes juridiques importants ou de donner son accord préalable à certaines décisions. La personne protégée reste active. Elle est simplement accompagnée pour ne pas prendre d’engagement contraire à ses intérêts. Si l’assistance ne suffit pas, le juge de paix charge alors l’administrateur de représenter la personne soit pour des actes bien déterminés, soit de manière générale en fonction de ses capacités. "Le juge peut combiner l’assistance et la représentation en estimant que pour certains actes, seule une assistance est nécessaire tandis que pour d’autres, un régime de représentation doit être mis en place, précise Olivier Beaujean. L’ordonnance écrite par le juge énonce explicitement les mesures de protection prises sur les biens et/ou la personne"

Dans un souci de personnalisation, la loi prévoit que la mesure de protection soit revue tous les deux ans par le juge de paix. Il est donc possible de la réadapter selon l’évolution de l’état de santé. Par ailleurs, la loi encourage la personne fragilisée à dé signer une personne de confiance qui puisse être son porte-parole et son contact avec le juge de paix et l'administrateur. Les arrêtés d’application de cette nouvelle loi viennent de paraître au Moniteur belge, ce 2 septembre. Il reste à espérer que les moyens alloués à la justice de paix pour assurer ses nouvelles missions seront à la hauteur de cette ambitieuse législation.

Pour en savoir plus ...

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