Consommation

J&S à la ferme et sans déchets

5 min.
© J&S
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Matthieu Cornélis

Matthieu Cornélis

À dix heures du matin, le soleil brille sur la province du Luxembourg. Et le calme du village de Chêne n'est rompu qu'épisodiquement par des cris d'enfants provenant de la ferme de la Géronne.

On y entre… et on y découvre, autour d'une table, la raison de ces éclats de voix. Aidés par des animateurs et par une recette affichée au mur, une douzaine d'enfants entreprend la confection des pains qui seront mangés au petit-déjeuner du lendemain. Dans leurs mains transitent la farine, le sel, les cuillères, l'eau… Puis leurs petites pognes pétrissent le mélange. Certains en ont jusqu'aux coudes, d'autres se désolent de ne plus pouvoir faire usage de leurs mains chargées de pâte à pain. Les animateurs les épaulent. Par exemple pour tenir une cuillère droite ou mesurer les quantités requises.

De l'autre côté de la salle, deux enfants observent la machine à coudre broder leurs prénoms sur une pièce de coton de récup. Ils confectionnent des bee wraps. Ces "sacs" à tartines récupérables sont utiles pour remplacer les emballages en aluminium des aliments secs (tartines, biscuits…). "Nous avons demandé à cha que enfant de prendre dans leurs valises un morceau de coton récupéré, explique Marine, cuistot et animatrice à ses heures. On coupe la pièce au ciseau cranté, on la brode du nom de l'enfant, on la glisse ensuite entre deux feuilles de papier cuisson où sont réparties des paillettes de cire végétale puis on repasse au fer."

Les pâtes à pain vont reposer et les enfants se défouler. Direction le jardin où une musique, dont les paroles sont connues de tous, résonne et les font danser. D'autres prennent la direction de la grange aménagée en plaine de jeux. Des ballots de paille y sont disposés de sorte qu'un cache-cache puisse y être organisé. Lorsque la chaleur des lieux les gagne, les animés se dirigent vers le labyrinthe construit dans la pièce attenante. Ils s'y faufilent dans le noir avec assurance et crient à mesure qu'ils y progressent.

"Qualité des copains : dix sur dix !"

"Je préfère que vous vous serviez trois fois de petites quantités qu'une grande assiette que vous ne pourrez pas finir",dit Rebecca, soucieuse de ne pas jeter de nourriture. Les enfants s'installent à table, et nous parmi eux. Table après table, ils font la queue pour se servir.

Cinq petits gars blaguent et évaluent certains aspects du séjour. "Qualité du service, trop lent !", dit Jonas, qui, se délectant de merguez et de légumes, ajoute : "… mais qualité du repas, très bon !" "Qualité de l'eau, moyenne…", ose César. "… néanmoins potable !", complète Victor. Un autre tient à apporter une note positive à un bulletin qu'il estime trop sévère : "super plaine de jeux, animateurs sympas". "Le soir, dit Victor, on peut aller faire une petite promenade avant d'aller se coucher." "Ce que je préfère, chuchote Alix, ce sont les lits. Ils sont super confortables." "Qualité des copains, dix sur dix", conclut Léo.

Hannah entend notre conversation de la table d'à côté et vient nous glisser un mot à l'oreille : "les repas, les goûters, toute la nourriture est très bonne. Et puis il fait très calme. Vous pouvez écrire ça aussi…"

Que penser de l'objectif "zéro déchet" ? "Il y a des déchets mais pas beaucoup, disent-ils. L'idée, c'est d'utiliser le moins d'emballages possible et d'utiliser plusieurs fois les choses comme une bouteille en plastique… Si tu la jettes et que tu en rachètes, c'est nul. C'est de l'argent jeté par la fenêtre !"

Des enfants déjà bien conscients

Le séjour à la ferme est une formule appréciée des enfants. Certains participent cette année à leur troisième séjour à Chêne. La ferme pédagogique leur offre de vivre des expériences inédites : nourrissage des animaux, promenades en calèche, à dos d'âne ou en tracteur avec un guide nature pour découvrir la faune et la flore de la région… À cela s'ajoutent les animations concoctées par Jeunesse & Santé (J&S), organisation de jeunesse par - tenaire de la Mutualité chrétienne. Pourquoi le "zéro déchet" ? "Nous étions arrivés au bout de la version classique d'une 'colo', concède Adrien, coordinateur du séjour. C'est une manière d'innover. C'est la seconde année lors de laquelle on essaie de supprimer tous les emballages de la cuisine pour la réalisation de nos repas. On a ce côté 'consciencieux', c'est dans les valeurs de J&S. Pollution, consommation… on en parle beaucoup. Nous, on le met en pratique ! Et doucement on y arrive aussi en animations. Bien que ce soit plus difficile…" 

Quel message faire passer aux enfants ? "Ils sont déjà bien conscients de la problématique des déchets, affirme Adrien Vanmoortel. Depuis la première maternelle ils entendent parler de consommation responsable. On veut dès lors leur montrer comment l'appliquer au jour le jour. Ainsi pourront-ils plus tard appliquer certains de ces gestes chez eux."

Presque 100% fait maison

Opter pour la réduction drastique des déchets n'est pas une mince affaire… Qui plus est en cuisine, là où les poubelles sont remplies plus rapidement qu'ailleurs. "C'est évidement là qu'il fallait agir, affirme Rebecca, à l'origine de ce défi. Les menus sont établis selon les déchets qu'ils peuvent générer. C'est énormément de travail en amont ! Toutes les boissons sont conditionnées dans des bouteilles consignées. Les marchandises en vrac ont été achetées à Mouscron avant le séjour. On a pris contact avec un maraîcher local pour lui demander ce qui était disponible en cette saison et établir les menus sur base de ce qu'il pouvait fournir…"

Acheter les aliments, c'est une chose. Préparer les repas en est une autre… Depuis notre arrivée ce matin, les robots ménagers, le four, les taques de cuisson… tournent à plein régime. À peine s'arrêtent-ils le temps du repas. "Tout ou pres que est fait maison : pains, chocolat à tar tiner, ketchup, mayonnaise, yaourts, confiture, biscuits, même le Boursin nous l'avons fait nous-mêmes puisqu'il est conditionné dans de l'aluminium !"

Il y a 15 ans, se souvient Rebecca, "en plus de la cuisine, on s'occupait un peu des enfants, on faisait des promenades, on s'accordait parfois une petite sieste… Ici, on est tout le temps occupés. On court beaucoup, tout est organisé et anticipé. À cette heure-ci cuisent les madeleines du goûter. Bien-sûr, ouvrir un paquet de biscuits serait plus facile…"

Contradictions

Relever le défi du "zéro déchet" donne à vivre des expériences nouvelles pour minimiser notre impact sur la planète. Mais ces expériences impliquent des contradictions… "Pour faire les courses, on fait beaucoup de kilomètres en voiture, déplore Rebecca. C'est quoi le mieux ? Zéro déchet ou acheter local ? On achète la viande ici, à la ferme de la Géronne. Mais elle est emballée sous vide dans du plastique. La viande qu'on est allé chercher à Libramont avec nos contenants, il n'y pas de déchets, mais on a fait 28 km pour nous y rendre. On pèse le pour et le contre et on fait ce qui est le mieux."

Les enfants sont là également pour rappeler l'engagement pris par les cuistots. "On avait dit qu'on faisait pas de déchets !", s'offusquait l’un d’entre eux, à la vue d'une boîte de lait en poudre nécessaire à la confection des yaourts. "Ils nous poussent dans nos retranchements, affirme Rebecca, amusée. On lui a expliqué qu'avec cette boîte en carton nous faisions 80 yaourts. C'est toujours mieux que 80 petits pots de plastique jetés à la poubelle !" À propos de poubelles… Rebecca tient à nous montrer le volume de déchets ménagers jetés depuis le début du séjour, soit de samedi soir à ce mercredi midi : seulement un cinquième de la poubelle de 60 litres est rempli. Elle doute que le sac soit plein à la fin du séjour. Puis prend congé de nous : "On s'est mis la pression aujourd'hui. Après le couscous, les tartes aux fraises 100% maison (pâte, crème pâtissière…), madeleines…, nous avons 150 wraps à préparer à la main pour le repas du soir !"

En sons

Envie de plonger quelques minutes dans l'ambiance de la ferme de la Géronne ? D'entendre animateurs et enfants s'exprimer sur le "zéro déchet" ? Équipez-vous d'écouteurs !

Une liste de commandements

L'expérience vécue par l'équipe de cuistots les a amenés à établir une liste de commandements – évolutive – pour un séjour "zéro déchet". Sept points pour faire la différence.

  • Tes boissons en verre consigné tu achèteras. 
  • Tes contenants au magasin tu rempliras. 
  • Tous les restes alimentaires tu valoriseras. 
  • Du "maison", le plus possible, tu cuisineras. 
  • Une trancheuse et de grands contenants tu emploieras. 
  • Un compost ou des poules, si il a, au propriétaire tu demanderas. Si pas, un voisin tu solliciteras. 
  • L'achat en vrac tu préféreras. 

>> Une page Facebook "Un séjour zéro déchet", alimentée de leurs conseils, a pour objectif d'aider les organisateurs de séjours dans un défi "zéro déchet".