Consommation

Rester chez soi, une tendance qui s'installe ?

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Aurelia Jane Lee

Aurelia Jane Lee

Beaucoup attendaient avec impatience la réouverture des cafés, cinémas, théâtres, salles de sport et autres lieux publics après les confinements. Mais pas tous. Certains ont pris goût à un mode de vie plus casanier.
Magazines et littérature "bien-être" vantent depuis longtemps des concepts comme le "hygge", un art de vivre danois inspiré par les longues soirées d'hiver. Un nouveau mot a même été inventé pour désigner cette tendance à rester chez soi : le "nesting".
La tendance au "cocooning" n'a pas attendu le Covid pour s'installer — mais la pandémie a pu la renforcer. Ainsi, les cinémas belges voyaient déjà diminuer leurs chiffres de 8 % en 2017, une chute attribuée alors aux attentats de 2016. Cependant, la tendance n'a fait que se poursuivre.

Ultra moderne solitude

Se glisser sous la couette et regarder une série tout en buvant son chocolat chaud... Simple version moderne de la soirée au coin du feu de nos ancêtres ? Peut-être, si ce n'est que les foyers d'alors se composaient davantage de familles nombreuses, alors que sur les quelque 5 millions de ménages recensés l'an dernier par l'office belge de statistiques (Statbel) en Belgique, 1.809.200 sont constitués d'une personne seule, soit un peu plus d'un sur trois !
À l'heure où l'on peut télétravailler, faire ses courses en ligne, se faire livrer des repas (un avantage quand des raisons de santé nous assignent à domicile !)…, il est devenu possible de passer des journées entières sans quitter son chez-soi et, pour les près de 35 % de Belges qui vivent seuls… sans voir personne.

Une question d'argent aussi

Les piscines publiques enregistrent aussi une baisse de fréquentation depuis quelques années, alors que l'on observe une hausse de 14 % de l'installation de piscines privées en 2019. Le développement d'équipements tels que les home cinemas, vélos d'appartement et liseuses participe de cette tendance à l'individualisation des loisirs.
Pareils investissements ne sont cependant pas à la portée de toutes les bourses. Ceux qui en ont les moyens y trouvent un confort que ne peuvent leur offrir les infrastructures partagées, et c'est peut-être la raison de leur choix. Ils ne renoncent pas au sport ou à la culture, mais s'y adonnent autrement.
Pour d'autres qui ne jouissent pas d'une telle aisance financière, la désertion des lieux culturels et des espaces communautaires indique toutefois qu'ils ont potentiellement laissé tomber ces activités. Le prix à la hausse des tickets et des abonnements est sans doute en partie la cause de cet abandon.

Et la santé dans tout ça ?

Que deviennent le sport et la culture si une telle évolution se confirme ? En 2023, la crise énergétique ne fait qu'accentuer la tendance : les établissements publics sont contraints de réduire leur offre ou d'augmenter leurs tarifs. Risque-t-on de voir fermer théâtres, cinémas et complexes sportifs ? Leur caractère essentiel a fait débat lors des confinements. Certes, la santé prime… Mais ces activités extérieures ne contribuent-elles à une bonne santé, justement ?
À moins que ces nouvelles tendances ne traduisent un simple retour de balancier après plusieurs décennies passées à sortir, se divertir et (se) dépenser bien plus que nous n'en avons réellement besoin ? Comme le rappelle le Dr Vicente Saavedra de la clinique de médecine intégrale de Barcelone, interrogé dans El País (8) : "Nos cellules et nos organes ont besoin de repos pour se régénérer. Certes, se divertir de temps en temps est nécessaire, mais si le divertissement devient un mode de vie, c'est absolument néfaste, physiquement et mentalement."
Il y a un équilibre à (re)trouver entre créer du lien social et s'aménager des moments pour soi, entre se dépenser physiquement et se reposer, entre se distraire l'esprit et prendre un temps de réflexion. Et ce juste milieu n'est pas nécessairement le même pour chacun.
Encore faut-il que le nesting résulte d'un choix personnel et ne soit pas la conséquence d'inégalités socio-économiques croissantes.