Environnement

L’urgence climatique sur le banc de touche ?

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(c)iStock
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Soraya Soussi

Soraya Soussi

L'Euro de football, le Tour de France cycliste, les Jeux Olympiques ou encore la Coupe du monde de football reviennent périodiquement au-devant de la scène. Ces grands événements sportifs sont attendus et célébrés partout dans le monde par des millions de personnes. Mais ils ont aussi leur revers de la médaille en termes écologiques. Soumise à de gros enjeux économiques, l'organisation de telles manifestations représente systématiquement des chantiers gigantesques, des déplacements de masse, de la surconsommation d'eau et d'énergie, la production de déchets à grande échelle...

Dégâts et efforts écologiques

En 2014, les Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi, ville russe située au bord de la mer Noire, avait fait grincer les dents des écologistes : la Russie avait installé 500 canons de neige artificielle, stocké l'équivalent de 14 collines de neige de l'hiver précédent (1), construit 400 kms de routes détruisant des hectares de forêts protégées, déversé des déchets et produits toxiques dans les rivières, etc. (2) Ces jeux ont ainsi été honteusement médaillés les plus coûteux de l'histoire (36 milliards d'euros) et l'un des plus catastrophiques pour l'environnement. 

Ce début d'été a notamment été rythmé par le Tour de France. Traditionnellement associé à l’écologie, ce sport de pleine nature peut aussi provoquer de sérieux dégâts environnementaux. Généralement, l'événement compte plus de 200 coureurs cyclistes, 2.300 voitures suiveuses, des dizaines de véhicules techniques mais aussi des bus, des hélicoptères, etc. La Grande boucle rassemble également près de dix millions de spectateurs qui se déplacent en voiture, installent leur camping-car le long des routes. En juin 2020, certaines villes et communes par lesquelles le Tour avait l'habitude de passer ont d'ailleurs demandé aux organisateurs d'appliquer des mesures strictes sous peine de ne plus se poser candidates. Le nouveau maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, déclarait alors "qu'il n'était plus acceptable d'inviter des manifestations sportives dont la première priorité n'est pas de se poser la question de leur empreinte sur l'environnement." (3) En réponse aux critiques du maire lyonnais, Pascal Chanteur, président de l'Union nationale des cyclistes professionnels en France, énumère les efforts entrepris pour réduire l’empreinte écologique du Tour : zones de collecte de déchets des coureurs, voitures hybrides, bidons d'eau biodégradables, ramassage des déchets après le passage du peloton, etc. (4)

Même année, autre grand événement sportif, l'Euro de football a comptabilisé 51 matchs organisés dans 12 villes de pays différents, ce qui a occasionné de nombreux déplacements de joueurs et supporters par avion. Et pour la Coupe du monde de football prévue en 2022 au Qatar, 12 stades ont été construits à ciel ouvert dans le désert, et tous disposent d'un système de climatisation... Une hérésie qui a coûté la modique somme de 35 milliards d'euros !

Les critiques écologiques pleuvent sur les grandes compétitions sportives mais la pratique quotidienne de nombreux sports interpelle aussi. Les 25.000 parcours de golf qui se répandent sur la planète exigent des milliers de mètres cubes d'eau par hectare et par an et quantité de fertilisants. Le tennis serait, quant à lui, le cinquième sport le plus polluant avec ses balles jaunes qui mettent 25 siècles à se désagréger. (5Sans surprise, on retrouve aussi dans la liste des sports les plus polluants, les sports automobiles, le ski alpin...

Vers plus de vert ?

Des lignes ont commencé à bouger en faveur de la transition écologique : de plus en plus de clubs de tennis mettent à disposition des paniers de récupération des balles afin de les recycler. En Angleterre, il existe un classement du club de foot le plus durable. Le Forest Green Rovers Football Club est le club le plus éco-responsable du monde, lit-on sur son site web. Son président ambitionne d'agrandir le stade en utilisant des matériaux et dispositifs durables.
En France, Julien Pierre, ancien rugbyman, a lancé un label vert Fair Play For Planet. Il invite les sportifs de tous niveaux à appliquer des gestes simples en faveur de l’environnement : éteindre la lumière en quittant le vestiaire, ne pas rester sous la douche plus longtemps qu'une chanson, se déplacer à l'entrainement à vélo, etc.
Même les instances des plus hauts niveaux s'emparent de la question écologique : l'Union européenne et l'UEFA ont lancé conjointement "Play Green". Le projet sensibilise notamment les jeunes joueurs aux enjeux écologiques via des habitudes et pratiques du sport, plus éco-responsables.
Les Jeux Olympiques de Tokyo ont, quant à eux, été salués pour l'effort de conscience écologique. La plupart des installations ont été construites de façon éco-responsa-ble. Les organisateurs souhaitent que tout le matériel soit recyclé une fois les JO terminés. Même les médailles ont été fabriquées avec des matériaux de récupération. Covid oblige, les déplacements limités vont également réduire les émissions de CO2.

La société civile s'est emparée des luttes contre le racisme, pour l'égalité des sexes, en faveur de l'urgence climatique... Fort de sa visibilité et de sa popularité, le sport a indéniablement un rôle de modèle à jouer, que ce soit au niveau local, dans la pratique quotidienne du sport ou à un niveau professionnel et international. Encore faut-il qu'il arrive à se détacher des rouages politiques et économiques pour faire progresser la cause écologique, au même titre que les autres défis sociétaux.

Le football belge se met-il au vert ?

"Chez nous, la gestion du football, c'est comme la politique : il faut s'armer de patience pour pouvoir appliquer des mesures sur tout le territoire et tenir compte des réalités de chacun", ironise Hedeli Sassi, responsable des projets sociaux à l'Union royale belge des sociétés de football (RBFA). En 2019, la RBFA a développé un plan d'action et destratégie "social et environnemental" pour 2020–2024, basé sur les objectifs mondiaux de développement durable des Nations Unies.(1) Ce plan – qui concerne les structures de football amateur et professionnel – vise la réduction d'émissions de CO2, de la production de déchets et de l'utilisation de plastique, les économies d'énergie et d'eau ainsi que l'application d'alternatives au niveau de la mobilité lors des déplacements. Première étape de ce plan : évaluer l'impact écologique des matches en Belgique. Par exemple, en 2019, les événements ont généré plus de 3.000 tonnes de CO2. 

Sur le papier, les objectifs de l'Union belge de football sont ambitieux. Mais sur le terrain, l'application de dispositifs éco-responsables se heurte souvent aux freins et réalités budgétaires des clubs et de leurs communes. "Les bâtiments des clubs amateurs appartiennent aux communes. Par exemple, trier les déchets lors d'un match nécessite que le stade soit équipé de suffisamment de poubelles de tri. Même chose pour la consommation d'énergie. Les clubs amateurs ne peuvent faire grand-chose si le stade n'est pas muni de panneaux solaires", justifie Hedeli Sassi.

Certes, des stades comme celui de Ghelamco Arena (Gand) ou d'Anderlecht brillent par leurs innovations durables (panneaux solaires, système de récupération des eaux de pluie, plan de mobilité pour les visiteurs, etc.). Mais une grosse épine dans le pied du foot reste à retirer : le réchauffement des terrains pour la tenue des matches hivernaux en play-offs afin de rendre la compétition plus attrayante et lucrative. À l'Union royale belge de football, on admet qu'aucune alternative n'a été discutée sur ce point...

L'usage des nombreux gobelets et autres produits dérivés en plastique pose aussi un sérieux problème. "En 2019, on a demandé à nos partenaires commerciaux de ne plus utiliser de matière plastiqueprécise Hedeli Sassi. On aimerait aussi introduire des gobelets réutilisables lors des événements à partir de novembre 2021. Mais travailler avec Coca-Cola ou AB inBev demande de longues discussions autour de la table pour trouver la solution qui convienne à tout le monde."

Le futur Belgian Football Centre de Tubize, sera, quant à lui, construit de façon plus éco-responsable. "Avec ce nouveau bâtiment, on souhaite vraiment inspirer et montrer l’exemple en termes de durabilité au sein du football belge", espère Hedeli Sassi.


(1) Des initiatives prises dans le cadredu programme de développement durable à l’horizon 2030 des NationsUnies sont à découvrir sur sdgs.be

Du sport au ramassage de déchets

À Bruxelles, la Team Volta promeut et encourage les jeunes à exercer du street work out afin d'allier sport et respect de l'environnement.

Dans l'émission "Autrement" diffusée sur la télévision bruxelloise BX1 (1), la Team Volta Belgique présente son projet de street work out, des exercices physiques (tractions, poids du corps, pompes...) à faire en rue. Hussein, un jeune participant, explique : "J'ai commencé le street work out pour améliorer ma santé car j'avais souvent mal au dos. Mais, c'est aussi un moyen de faire des rencontres, de créer des liens." Au-delà de la plus-value sociale, la Team Volta a développé une dimension écologique à son projet. "En pratiquant ce sport, tu te rends compte que les rues sont souvent pleines de déchets", regrette Hussein. "Exercer un sport amène à questionner la façon dont on s'alimente, qui est elle-même liée à notre environnementdétaille Juan Pablo, fondateur de la Team Volta. On a décidé de faire du plogging : durant la course, on ramasse les déchets. On pratique des exercices adaptés pour éviter de se faire mal, comme les squats par exemple."

Le projet permet ainsi aux jeunes sportifs d'associer liens sociaux, santé, bien-être, et respect de l'environnement. "Ce qui est aussi très positif, c'est que ces jeunes jouent un rôle d'exemple autour d'eux. C'est comme cela qu'on pourra faire bouger les choses", conclut un animateur.


(1) Autrement – Déchets, BX1, 8 septembre 2020.