Environnement

Nos sols dépassés par les pluies

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(c)iStock
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Candice Leblanc

Candice Leblanc

Les sols sont comme des éponges. L’eau peut à la fois y être stockée et s’infiltrer dans l’espace souterrain jusqu’aux nappes phréatiques. Un sol en bon état est capable de stocker un tiers de son volume – soit un maximum de 100 mm de précipitations par mètre carré (1) en 24 heures. Quant à la vitesse d’infiltration de l’eau à l’intérieur de cette "éponge", elle est de quelques litres par heure. Ça, c’est la théorie. En pratique, les capacités de stockage et la vitesse d’infiltration varient d’un sol à l’autre et dépendent de plusieurs paramètres. De la nature et de la composition des sols, notamment. "Le Brabant wallon et la Hesbaye, par exemple, comptent généralement plusieurs mètres de terre meuble, explique Aurore Degré, professeure d’hydrologie et de physique de sol à Gembloux Agro Bio-Tech (faculté de l’ULiège). Alors qu’au sud de la Meuse, dans le Condroz et les Ardennes, la partie terre des sols est peu profonde ; en creusant, on arrive vite à des couches de roche." En toute logique, plus l’éponge est fine, plus vite elle est saturée. Et c’est ce qui s’est passé. Avant même les pluies diluviennes de la mi-juillet, les sols wallons étaient déjà gorgés d’eau par un printemps et un début d’été particulièrement pluvieux.         

Le ruissellement, autre cause méconnue des inondations

La couverture des sols influence aussi la quantité d’eau qu’ils sont capables d’absorber… ou pas. "Des routes goudronnées et les surfaces bétonnées les imperméabilisent, évidemment, explique Gilles Colinet, professeur en sciences du sol à Gembloux Agro Bio-Tech. A contrario, une couverture végétale absorbe davantage d’eau grâce aux racines des herbes, champignons et/ou arbres qui y poussent. Ce qui augmente à la fois la capacité de stockage et la vitesse d’infiltration du sol. À condition, toutefois, que le terrain soit relativement plat ! En pente, couverture végétale ou pas, l’eau ruisselle en cas de fortes pluies."   

Car les inondations ne s’expliquent pas seulement par la saturation des sols et le débordement des cours d’eau. Entre les deux, il y a du ruissellement (2), inextricablement lié à un autre phénomène : celui de l’érosion. En effet, quand les eaux pluviales ne sont plus absorbées (assez vite) par le sol, elles s’écoulent des hauteurs vers le creux des vallons et vallées. Ce ruissellement arrache et emporte avec lui des sédiments : de la terre, des cailloux, des déchets organiques, etc. Là encore, la couverture végétale d’un terrain joue un rôle, car les racines structurent et consolident la terre et limitent la quantité de sédiments emportés. Ce qui explique d'ailleurs pourquoi les zones déboisées favorisent les glissements de terrain.

Des terres glacées

Cela dit, même le sol le plus végétalisé a ses limites. À la mi-juillet, il est tombé plus de 150 mm d’eau/m2 en 48 heures dans de nombreuses communes wallonnes. Les pluviomètres du Service public de Wallonie ont relevé jusqu'à 271,5 mm/m2 à Jalhay entre les 13 et 15 juillet. Du jamais vu ! À cet égard, nos experts sont formels : aucun sol, même la forêt la plus dense, n’aurait été capable d’absorber une telle quantité d’eau en si peu de temps ! "De plus, dans les zones agricoles, les sols étaient "glacés", comme un glaçage de gâteau, explique la Pr Degré. Au printemps, il y a eu de gros orages. Des pluies se sont abattues sur des champs encore nus. Ces intempéries ont abîmé les sols et 'fermé' les surfaces. Ce qui a encore augmenté les phénomènes de ruissellement et d’érosion."

C’est donc sur des sols saturés et fragilisés par des intempéries antérieures que les pluies record de juillet se sont abattues, rendant les inondations inévitables.


(1)  Un millimètre (mm) de pluie sur un mètre carré correspond à environ un litre.

(2)  Une vidéo tournée par un particulier à Dinant le 24 juillet a très bien montré ce phénomène : on y voit une petite lame d’eau dévaler une route et s’y transformer en torrent en quelques minutes.