Environnement

Qui casse répare !

4 min.
(c)Soraya Soussi
(c)Soraya Soussi
Soraya Soussi

Soraya Soussi

Montigny-le-Tilleul. Petit coin wallon, au sud-ouest de Charleroi. Il fait beau ce jour-là. Sur un parking, devant la ressourcerie R-Store, un curieux véhicule a pris ses quartiers. On devine une remorque en bois qui fait office d'atelier de réparation. Tout y est : des plans de travail rétractables, des caisses et tiroirs remplis d'outils en tout genre, des chaises et... du café. Nous sommes devant le Re-pair café mobile de l'association Repair Together qui regroupe l'ensemble des repair cafés de Bruxelles et de Wallonie. Montigny-le-Tilleul est l'une des 25 villes par lesquelles passera le Repair café mobile d'ici le 28 octobre prochain, comme convenu avec la Copidec, la fédération des 7 intercommunales wallonnes de gestion des déchets. Le principe est simple : l'atelier itinérant s'installe dans un lieu public, un parc ou même une école... et les citoyens peuvent venir réparer un objet (vélo, vêtement, ordinateur, téléphone, etc.) ou un appareil électro-ménager, en fonction des compétences des volontaires réparateurs. L'objectif est triple : réduire la production de déchets, économiser en évitant de racheter un nouvel appareil ou objet et créer du lien en discutant avec les volontaires et autres personnes venues réparer quelque chose.

Le Repair café mobile contre le consumérisme

On l’aura compris, un repair café est un atelier de réparation d'objets, mis en place par des volontaires, avec une dimension locale et sociale. Ils sont de plus en plus nombreux dans nos villes puisque près de la moitié des communes wallonnes en possèdent un. (1) On en compte plus précisément 32 à Bruxelles et 143 en Wallonie, soit 221 repair cafés au total en Belgique francophone (chiffres de 2021) (2) 

Si les repair cafés existent depuis 2012 chez nous (le premier repair café a été lancé en 2006 aux Pays-Bas), tous les consommateurs possédant des objets à réparer ne frappent pas à leurs portes. Soit parce qu'ils n'en ont jamais entendu parler, soit parce qu'il n'y en a tout simplement pas près de chez eux. Amener le repair café au plus près des gens apparaissait alors la solution pour Repair Together. Encore fallait-il réaliser le rêve des fondateurs du réseau. La création d'un atelier ambulant et le lancement du Repair café mobile sont venus d'un étudiant liégeois en design industriel. Dans le cadre de son travail de fin d'études, Simon Fremineur s'intéresse de près à l'obsolescence programmée, soit la réduction de durée de vie voulue par le producteur d'un objet, textile ou appareil. Pour le jeune homme, s'il est difficile d'agir au cœur de l'industrie pour enrayer l'obsolescence programmée,en revanche, il est possible d'agir en tant que consommateur. Notamment en réparant un objet ou un appareil au lieu de le jeter ou s'il faut racheter du neuf, s'assurer que l'objet ou l'appareil en question est réparable (il peut être ouvert par exemple) !

La co-réparation pour créer du lien

14 heures. Le Repair café mobile à peine installé, une dizaine de personnes sont déjà sur place, objets et appareils électroniques en main, dans l'attente de la dernière chance. 10 minutes plus tard, Alessandro Cagnolati, chargé de mission pour Repair Together, bricole dans l'extracteur de jus de Valentine, une jeune trentenaire. "Il n'était plus sous garantie mais j'espère bien le réparer. Alessandro m'a montré comment faire avec quels outils. On démystifie un peu l'art de la réparation, sans devenir expert, mais ça fait moins peur". Dans la file, Bernadette 72 ans, attend son tour en lisant au soleil. "Je suis venue réparer deux lampes qui ont 40 ans. L'une des ficelles pour les allumer est cassée. Comme on apprend aussi, je pourrai peut-être réparer l'autre ficelle toute seule plus tard." Le projet collaboratif de réparation repose sur la transmission et le partage des savoirs. Le ou la volontaire montre quelques trucs et astuces à la personne et lui donne des conseils."Cela permet aussi d'échanger, de se connaître et d'apprendre à réparer soi-même. L'accès à des outils de professionnels est aussi pratique pour les gens", précise Emmanuel Van DerBruggen, chargé de mission pour l'asbl Repair Together qui, comme son collègue, met la main à la pâte après avoir appris lui-même quelques notions de réparation d'appareils électro-ménagers.

Aux côtés d'Emmanuel, Hubert-Etienne est venu réparer la voiture téléguidée de son petit-fils. "C'était juste un problème de batterie. Mais je suis heureux d'avoir découvert ce projet ! Comme j'aime bien bricoler, je donne un petit coup de mains aux autres personnes, si je peux. Tout le monde s'entraide ici. Ça permet de rencontrer des gens du coin aussi." 

Posséder plus durablement

En 2019, 177 tonnes de déchets ont été évitées en Wallonie et à Bruxelles grâce aux Repair cafés. (3) Plus précisément, pour 8.709 objets réparés, on évite 250.805 kg de CO2 et 29.078 kg de déchets, selon les dernières statistiques de Repair Together. "La réparation reste un des cycles les plus courts de l'économie circulaire, produisant le moins de déchets et de polluants. De plus, par l'action concrète qu'ils incarnent, les repair cafés ont un effet direct sur le changement des mentalités en faveur d'un monde plus durable", peut-on lire sur le site internet du réseau.

Après quelques tours de tournevis, Valentine repart avec son extracteur de jus, comme neuf. "Je trouve qu'on devrait avoir davantage de repair café en Belgique ! On a tellement l'habitude de jeter dès qu'un petit quelque chose ne va pas. Ici, c'est comme si on emmenait nos appareils chez le docteur en espérant pouvoir les soigner. En plus, j'ai économisé 400 euros. Par les temps qui courent c'est plutôt un soulagement !",se réjouit-elle.

>> Plus d’infos sur les prochaines étapes du Repair Café mobile et sur les Repair cafés de sa région : repairtogether.be

Ouvrir son repair café

Le réseau Repair Together propose une série de tutoriels, de formations pour les volontaires mais aussi un kit de démarrage pour celles et ceux qui souhaitent créer un repair café dans leur commune.

Pour se lancer dans la création d'un repair café, il faut des volontaires prêts à bricoler, un lieu d'accueil et des dates. Mais lancer son projet de repair café ne se résume évidemment pas à cela. Encore faut-il savoir gérer les inscriptions, pouvoir bricoler soi-même,connaître les obligations légales, se procurer des outils et du matériel pro, etc. C'est pourquoi l'asbl Repair Together propose un kit de démarrage avec toutes les informations nécessaires à la création d'un repair café. Une fois lancé, le réseau soutient le projet via la création d'une page sur les réseaux sociaux afin de communiquer et faire vivre le repair café. Il propose également des formations, un accompagnement des volontaires et un lieu au besoin, etc. Bref, y a plus qu'à !

>> Plus d'infos : repairtogether.be