Logement

Tiny houses, un pas vers l'essentiel

6 min.
Hollandsehoogte
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Stéphanie Van Haesebrouck

Stéphanie Van Haesebrouck

"En 2016, on recevait une commande de tiny tous les trois mois. Aujourd'hui, on en compte deux par mois", note Patrick Monsez, ingénieur au sein de Tiny Home, entreprise belge de construction de tiny et futur propriétaire d'une micro-maison. Nicolas Van Moer, de B.A.Bois, une entreprise qui propose des formations et accompagne les autoconstructeurs d'habitats légers, constate également une nette augmentation de la demande.
Aujourd'hui, 25.000 Belges (1) vivent en habitat léger (2) dont 3.000 en habitat dit "alternatif" : tiny houses, mais aussi, yourtes, cabanes, chalets, roulottes… Leurs points communs ? Leur faible emprise au sol, leur légèreté, leur réversibilité, leur mobilité pour certains et leur faible coût comparé au prix des logements traditionnels (voir encadré). Si le prix peut séduire, c'est avant tout une certaine philosophie qui porte les amoureux du micro-logement.

Consommer moins, mais mieux

"Je n'ai pas encore sauté le pas, mais je m'intéresse de plus en plus au fait de vivre dans une tiny au cœur de la nature", confie Florence, en couple et maman d'un ado. Cette institutrice de 40 ans s'est intéressée au micro-logement après avoir découvert les bienfaits de la pleine conscience et du minimalisme. Depuis, Florence séjourne régulièrement à Beauvechain, dans une caravane tout en conservant actuellement son logement principal à Bruxelles. "Dans notre société de consommation et de l'immédiateté, on n'apprend plus à s'écouter, regrette Florence. Ce n'est qu'en se posant qu'on peut être à l'écoute de sa boussole intérieure et savoir ce qui nous ressemble."

Ces passionnés de l'essentiel remettent en question le fondement même de nos sociétés consuméristes. Ils se débarrassent du superflu. "J'ai pris conscience que tout ce que je possédais m'encombrait l'esprit, confie Florence. Je passais trop de temps à nettoyer, ranger, réparer des objets dont je n'avais souvent pas besoin. Je n'organisais pas de souper chez moi le vendredi car je devais tout ranger avant. Maintenant, j'ai moins de biens mais j'improvise des repas le vendredi et s'il me manque quelque chose, je m'adresse à mes voisins."

Si certains, comme Florence, se tâtent encore à vivre exclusivement dans un micro-logement, d'autres se lancent pleinement dans l'aventure, comme Charline, 32 ans, installée depuis trois mois dans une tiny house avec son compagnon et leurs enfants de 2,5 ans et de 6 mois. "Ce qui nous plait dans l'habitat léger, c'est de ne pas devoir travailler plus que souhaité uniquement pour payer notre loyer. On veut consacrer du temps à des projets qui nous tiennent à cœur. Alors qu'on attendait notre premier enfant, on a voulu s'installer à la campagne, avoir un style de vie en phase avec nos valeurs. Et notre habitation répond tout à fait à nos attentes", estime la jeune mère de famille. Un goût pour la simplicité qui se traduit aussi dans l'alimentation de la famille : "On n'achète pas d'aliments transformés, on cherche à bien manger", explique Charline qui se lance dans un potager et qui veut accueillir des poules.

Chez Thibault, 34 ans, habitant d'une tiny depuis deux ans, les poules caquettent déjà sur le terrain. Et le potager, les arbres et arbustes fruitiers le régalent en fruits et légumes. "Je ne voulais pas emprunter pour acquérir un bien et je voulais me réapproprier mon habitat. Aujourd'hui, complète-t-il, on achète souvent un produit fini, on ne pense plus à l'adéquation entre notre logement et nos besoins. Or, se questionner sur ses besoins, c'est se soucier de ce qui importe pour nous", explique le jeune homme.
Sa micro-maison est réalisée avec des matériaux respectueux de l’environnement, comme c’est le plus souvent le cas pour ces petites constructions. Et certains vont jusqu'à viser l'autonomie maximale en termes d'énergie (toilette sèche, consommation d'eau de pluie, panneaux photovoltaïques…).

La nature pour seul horizon

Disposer d'un espace intérieur réduit ne gêne pas ses occupants, surtout si cela leur permet de mieux jouir du monde extérieur ! Charline et sa famille sont installés sur un terrain de plus de quatre hectares. Entre bois et champs. Le paradis pour son ainé de 2,5 ans. Thibault, lui, n'a pas encore trouvé le terrain où il souhaite s'installer, mais il a trouvé gracieusement refuge dans le grand jardin d'une famille sensible à sa démarche. Un vélux placé au-dessus de son lit, en mezzanine, et de grandes baies vitrées au rez lui permettent d'être en connexion permanente avec la nature. "La première nuit que j'ai passé ici, le temps était venteux et la tiny bougeait… Après m'être assuré que tout tenait bien, j'étais content de ressentir la force de la nature. Chaque jour, je profite de l'extérieur."

De l'importance du lien

Posséder moins crée du lien. "On échange nos outils, nos machines avec nos voisins", indiquent Charline et Thibault. De nombreux occupants d’habitats légers affectionnent la vie en collectivité. Le terrain choisi par Charline et sa famille compte au total six habitats alternatifs. Ils s'y sont installés car ils s'intéressaient au projet de la coopérative propriétaire de ce terrain. Cette association, qui loue quelques emplacements, souhaite transformer à terme cette parcelle en terrain à bâtir avec un mélange d'habitats durs et légers. Et Charline a déjà des idées plein la tête pour favoriser les échanges entre les participants du projet et les habitants du village. Thibault, lui, vit actuellement seul, mais a pour projet de créer un habitat groupé léger orienté "social" : création d'un potager, d'un café citoyen, d'un logement d'urgence en partenariat avec un CPAS…
Certaines asbl partagent cette finalité sociale, à l'instar de B.A.Bois qui souhaite s'unir avec des associations spécialisées dans la réintégration de personnes sans domicile fixe. Leur objectif : que ces personnes puissent participer à la construction de leur futur "chez eux" et ainsi se réintégrer dans la société par le biais d’un projet.

Quelques embûches

Les aficionados de l'habitat léger rencontrent diverses difficultés : domiciliation, permis d'urbanisme, prêt immobilier, accès aux primes, assurances… Et doivent jongler avec différents Codes : Code du logement, Code de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire et Code de l'environnement, voire par le Code du tourisme (3). Et l’ignorance relative à l'habitat léger ne fait pas avancer le "schmilblick". Méconnaissance, méfiance voire rejet vont souvent de pair. Les failles législatives permettent à certaines communes de refuser une demande de permis d'urbanisme parce qu'elles ne veulent pas voir s'implanter ce type de projet sur leur territoire. Résultat, ces habitants vivent dans la crainte de voir leur logement taxé d'illégal.
Point noir du côté des mordus du léger cette fois : comme dans tout domaine, certains d’entre eux n'hésitent pas à enfreindre les lois et à s'installer en zone Natura 2000, en zone agricole, etc., avec les divers risques encourus en termes d’accidents, d’amendes, de mauvaise image à l’égard de leur mouvement.

Du changement dans l'air

La hausse de l’immobilier, les préoccupations écologiques, la recherche de sens sont autant de facteurs qui font évoluer les mentalités. En province de luxembourg, Tintigny, par exemple, planche, à l'initiative de son bourgmestre, sur un projet de 11 habitations légères avec une visée de mixité sociale. Roland Wathieu, animateur au sein d’une maison de l’urbanisme, confirme que les communes cherchent de plus en plus à se renseigner sur le sujet afin de pouvoir répondre aux demandes qui leur parviennent. En partenariat avec la Conférence permanente du développement territorial, ces maisons de l'urbanisme ont créé une formation qui se donnera dans les communes demandeuses dès la rentrée.
Et lorsque les mentalités évoluent... les lois suivent, parfois. Depuis le 1er septembre 2019, les tiny, yourtes, roulottes, etc. ont obtenu une reconnaissance juridique partielle en Belgique en entrant dans le Code wallon* de l’habitation durable. Mais les arrêtés d’exécution relatifs aux normes de salubrité, sécurité...doivent encore être définis afin de concrétiser cette avancée législative propre à la Wallonie. Cela devrait in fine faciliter la vie des occupants de ce type d’habitat.

Les tiny gagnent doucement en reconnaissance en tant qu'alternative à l'habitat classique. Fer de lance même de l'habitat léger, ces micro-maisons ambulantes mettent un coup de projecteur sur un mouvement, pas si neuf, qui questionne les codes et idéaux actuels d'une large part de la société et nous montrent qu'une autre manière d’habiter, et donc de vivre, est possible.

En savoir plus 

(1) "Reconnaitre l'habitat léger en Wallonie", étude publiée par le CCBW en 2019.
(2) L'approche d'habitat léger inclut trois "familles" : les 12.000 habitants en zone de loisirs, les 10.000 personnes qualifiées de "gens du voyage" et les 3.000 habitants dits "alternatifs".
(3) "Reconnaitre l'habitat léger en Wallonie", étude publiée par le CCBW en 2019.
(4) Webinaire "Habitat léger", organisé par Habitat et Participation, 20 juillet 2020. Disponible gratuitement sur YouTube. À destination de tous et plus encore des personnes ayant déjà des connaissances sur le sujet ou un projet.

Les tiny en quelques chiffres

1999
La paternité de la tiny house est souvent contestée. L'Américain Charles Miller a construit en 1929 l'ancêtre de la tiny qui ne comprenait alors ni plomberie ni électricité. Ensuite, Lloyd Kahn (Shelter, 1973), Sarah Susanka (The not so big house, 1997) et Lester Walker (Tiny houses, 1997) sont souvent cités comme pionniers en la matière. Mais c’est le designer Jay Schafer qui a créé en 1999 la première tiny house "moderne".

4 x 2,5 x 7
"4m de haut, 2,5m de large et 7m de long sont les dimensions classiques des tiny houses en Belgique, détaille Patrick Monsez, ingénieur au sein de Tiny Home, entreprise belge de construction de tiny. Seule la longueur peut varier, la hauteur et la largeur ne peuvent, elles, excéder ces dimensions afin de répondre aux exigences du code routier."

3,5 tonnes
C'est le poids maximal que peut peser une tiny pour pouvoir être transportée avec un permis de conduire B.

35 à 65.000 €
"C'est la fourchette de prix pour une tiny réalisée par nos soins, sur la base des souhaits du client, car chaque tiny est personnalisée", annonce l'ingénieur de Tiny Home. Il est aussi possible de construire sa tiny soi-même ou de se faire accompagner dans cette démarche. Le prix sera probablement moindre, même s'il dépend aussi des matériaux et aménagements choisis.