Economie

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(c)iStock
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Julien Marteleur

Julien Marteleur

Afrique : la poudrière
Depuis quelques semaines, le Covid-19 se propage en Afrique. Le virus, qui a commencé à toucher les capitales du continent, pourrait s’étendre vers les zones rurales et y décimer la population. D’après les prévisions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en l’absence de mesures sanitaires, environ 10 millions de personnes pourraient être infectées dans les prochains mois dans la région. Et la courbe des décès pourrait grimper en flèche à cause du manque de lits de réanimation dans les hôpitaux. C'est notamment le cas au Sud-Soudan, qui a enregistré ses premiers cas au début du mois d'avril. Le pays ne dispose aujourd'hui que de quatre respirateurs et de 24 lits de soins intensifs pour une population de 12 millions de personnes, selon les données du Comité international de secours(IRC).
En Afrique, la barre des 1.000 morts a été franchie le 17 avril. Presque tous les états sont touchés : seuls le Lesotho et les Comores n'ont pas déclaré de cas. Le pays le plus touché, l'Afrique du Sud, compte 3.000 cas recensés et 52 morts. Mais ces données posent question, quand on sait que le pays n'a effectué que 73.000 tests – un record sur le continent - pour une population de 57 millions d'habitants. Autre exemple : le Nigéria, avec ses 190 millions d'habitants, n'aurait effectué que 5.000 tests... Le confinement a été instauré presque partout mais est difficilement suivi, notamment dans les quartiers populaires où la densité de population est forte et où la mesure semble illusoire, tant le besoin de trouver de la nourriture est essentiel… Compte tenu de l'agressivité dont le virus a fait preuve partout ailleurs dans le monde, l'ONU estime que le Covid-19 pourrait, en Afrique, causer la mort d'au moins 300.000 personnes et pousser 30 millions d'autres dans la pauvreté.

Asie : le spectre de la deuxième vague
Plusieurs pays de la région craignent l'apparition d'une seconde vague de l'épidémie. Avec leur politique de traçage, de quarantaine et d'isolement, certains d'entre eux avaient pourtant été cités comme des modèles dans leur lutte contre le Covid-19. L'inquiétude d'une deuxième vague est d'abord due aux nombreux retours de voyageurs d'Europe et des États-Unis, nouveaux épicentres de la pandémie. À Taïwan, les autorités procèdent à des contrôles stricts pour détecter ces cas "importés" parmi leurs ressortissants de retour sur l'île. Dès le début de l'épidémie, Singapour a rapidement imposé des contrôles à ses frontières, mais n'a pas inclus ses 200.000 travailleurs étrangers dans sa stratégie. Ces derniers vivent souvent dans des dortoirs bondés, propices à la propagation du virus. En Chine, c'est la province du Heilongjiang, au nord-est du pays, qui concentre la majorité des nouveaux cas importés. Les épidémiologistes ont désormais les yeux braqués sur les cas asymptomatiques, porteurs du virus mais ne présentant pas les symptômes du Covid-19. À la demande des chercheurs, la Chine recense désormais le nombre de patients asymptomatiques dépistés. Et, suite aux soupçons de la communauté internationale, a revu à la hausse son bilan des décès : la mairie de Wuhan, ville d'où est parti le virus fin 2019, a annoncé, le 18 avril, 1.290 morts supplémentaires.
En Inde, la quasi-totalité des activités sont à l'arrêt et 1,3 milliard d'habitants ont l'obligation de rester chez eux jusqu'au 3 mai au moins, sous la menace des coups de bâton de la police indienne qui arpente les rues à la recherche de récalcitrants. L'annonce de la poursuite des mesures de confinement a provoqué des scènes de chaos, notamment dans les grands centres urbains. Le confinement menace de tourner au cauchemar pour les plus pauvres et les habitants des bidonvilles surpeuplés comme celui de Dharavi où la densité est estimée à 270.000 personnes par km2. Les mesures de confinement y sont quasi impossibles à respecter.
L'Iran, avec ses 82.000 cas confirmés et 5.100 morts – officiels – est particulièrement touché par le virus. Pourtant, devant la menace d'un effondrement économique, le président Hassan Rohani a décidé de lever les mesures de confinement le 11 avril dernier, faisant fi de la menace sanitaire. Depuis, deux-tiers des activités "à faible risque" ont repris dans le pays. Cette décision survient alors que l’économie iranienne est en très grande difficulté à cause, notamment, des sanctions américaines et de la chute importante des cours du pétrole. Dans ce contexte, l’Iran a d'ailleurs demandé au Fonds monétaire international (FMI) de lui faire un prêt de 5 milliards de dollars pour maintenir la tête hors de l'eau.

USA : le chômage, l'autre épidémie
Les États-Unis sont le pays le plus touché par le virus : près de 760.000 personnes ont été contaminées et 40.660 sont décédées jusqu'à présent. Avec des pans entiers de l'économie en sommeil et un système de sécurité sociale très inégalitaire, ce sont plus de 22 millions de personnes qui se sont inscrites au chômage au cours des quatre dernières semaines. L'administration américaine a élargi les filets de sécurité en mettant en œuvre un forfait de 600 euros par semaine pour les demandeurs d'emploi, mais de nombreux travailleurs précaires et indépendants pourraient passer à travers les mailles de ce dispositif. Selon les prévisions du FMI, la croissance du PIB américain devrait plonger à 5,9% en 2020. Une situation que d'aucuns comparent à la Grande Dépression de 1929. Face à un désastre annoncé, Donald Trump, qui brigue un second mandat présidentiel, souhaite rouvrir le pays dès que possible afin de réduire l'impact financier du confinement. Cela concernerait dans un premier temps les États "en bonne santé", comme le Montana ou le Wyoming, relativement épargnés. En attendant, le pays a vu se multiplier les manifestations hostiles aux mesures de confinement. Des manifestations encouragées par des messages postés sur Twitter par… Donald Trump lui-même.

Amérique du Sud : une affaire de classes
Dans plusieurs pays de la région, la maladie semble avoir été importée par les élites. Au Mexique, le virus a probablement été rapporté de la très huppée station de sports d’hiver de Vail, dans le Colorado (USA). Une vingtaine de riches Mexicains, dont le patron de la Bourse de Mexico, y auraient été contaminés entre deux descentes de ski, selon les autorités sanitaires mexicaines. Les autorités brésiliennes soupçonnent quant à elles une compétition de snowboard au même endroit, le 24 février, à laquelle ont participé des athlètes italiens, d’être le foyer d’exportation du Covid-19 vers le Brésil.  Deux mois plus tard, le pays compte plus de 2.400 décès liés à la maladie. Malgré la réticence du président Bolsonaro, le confinement s'est mis en place un peu partout dans le pays. Et le pire est désormais à craindre. Depuis un amendement de la Constitution en 2016, les dépenses pour la santé sont plafonnées… jusqu’en 2036. La situation sanitaire est particulièrement préoccupante dans les favelas, ces gigantesques bidonvilles qui bordent les grands centres urbains du pays. Les milices paramilitaires y imposent le couvre-feu. Dans les pharmacies, il n’y a ni masques, ni gel hydroalcoolique. Et puis, comment se laver les mains quand on n’a pas d’eau courante ? Comment pratiquer l’éloignement social quand toute une famille vit dans une seule pièce ?
Au Venezuela, après un mois de confinement quasi-total, les autorités ont annoncé une prolongation de la quarantaine jusqu’à la mi-mai. Dans les quartiers populaires de Caracas, la capitale, les pénuries étaient déjà très difficiles à vivre, elles sont devenues insupportables. D’autant qu’après plus de 30 jours de quarantaine, la nourriture commence à manquer dans les supermarchés et les prix explosent.
Pérou, Équateur, Colombie… peinent aussi à endiguer la propagation du virus, malgré l'imposition de mesures. Les coupables y ont le même visage : économie chancelante, état catastrophique des hôpitaux, précarité importante de la population… L'Amérique du Sud, comme tant d'autres, paraît bien démunie devant cette crise sans précédent.

Pour en savoir plus ...

WSM-We Social Movement (ONG du Mouvement ouvrier chrétien) diffuse  quotidiennement sur son site internet les informations qui lui arrivent de tous les continents, via ses organisations partenaires du mouvement, sur la situation autour de la crise sanitaire du COVID-19. Un regard international à découvrir sur www.wsm.be/coronanews/ et sur www.wsm.be/actu/corona.html.