Economie

Stop au business illégal

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© AFP BELGAIMAGE
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Matthieu Cornélis

Matthieu Cornélis

Ils sont loin les Accords d'Oslo qui prévoyaient la création d'un État palestinien. En accaparant des terres palestiniennes pour y construire des colonies de peuplement, les gouvernements israéliens successifs font fi des engagements pris par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin en 1993. Une stratégie expansionniste totalement illégale au regard du droit international et particulièrement de l'article 49 de la 4e Convention de Genève (1949), qui interdit à toute puissance occupante d'installer une partie de sa propre population dans le territoire occupé par elle.

De quoi vivent les habitants de ces "enclaves" installées en plein territoire palestinien ? Ni plus ni moins de la confiscation des terres cultivables et des ressources en eau de la région. Sur les ruines des maisons palestiniennes et les champs autrefois cultivés par les Palestiniens, des entreprises israéliennes s'installent et produisent des denrées agricoles ou manufacturées destinées en partie à l'exportation. Une politique que l'État encourage en chouchoutant ses entrepreneurs : avantages fiscaux, ristournes sur la location des terrains, fonds alloués pour la recherche, constructions de routes à l'usage exclusif des colons… Un budget considérable.

Mad(e) in illegality

L'Union européenne et la Belgique condamnent, régulièrement et sans ambiguïté, la colonisation des territoires palestiniens. Mais paradoxalement, l'ampleur des échanges économiques et commerciaux entre - tenus avec les colonies contribue à encourager leur développement économique et territorial. N'est-ce pas de la folie de se rendre complice de ce que l'on blâme par ailleurs ? En 2010, Israël exportait pour 2,1 milliards de dollars de fruits et légumes dont 66% prenaient le chemin des étals européens, selon l'association israélienne Who Profits. Un autre rapport, celui-ci publié par 22 ONG européennes en 2012, désigne l'Europe comme principale destination des produits cosmétiques Ahava et des machines à gazéifier Sodastream.

Pas facile de quantifier le volume exact des échanges entre l'Europe, la Belgique et les colonies. Pourquoi ? Parce que les produits sont estampillés "Made in Israël", le gouvernement considérant les territoires confisqués comme partie intégrante de son territoire. De plus, un accord octroie des tarifs douaniers préférentiels aux produits israéliens à destination de l'Europe. Sans contrôle systématique, les denrées produites dans les colonies bénéficient, du coup, du même tarif préférentiel.

Complices dans l'illégalité

La campagne Made in illegality exige que soient prises des mesures drastiques. "Aujourd'hui, la Belgique doit prendre conscience de ses obligations juridiques qui lui interdisent toute participation au maintien d'une situation illégale, exige le CNCD-11.11.11. Ces obligations impliquent de rompre tout lien financier, économique et commercial avec la colonisation israélienne". Principale mesure préconisée par les organisations signataires : adopter une législation belge et européenne qui interdise l'importation des produits des colonies.

Depuis le lancement de la campagne il y a un an, de petits pas ont été réalisés. Comme la demande – non contraignante – formulée par la Belgique auprès des distributeurs d'étiqueter les produits lorsqu'ils proviennent des colonies. Par ailleurs, le ministère des Affaires étrangères met désormais en garde tout entrepreneur désireux d'investir dans les territoires concernés, leur déconseillant de se mettre en infraction avec le droit international. Des pas dans le bon sens, mais pas assez grands pour sortir la Belgique de l'illégalité.

Voir pour croire

Faut-il voir l'injustice de ses propres yeux pour mieux s'y attaquer ? C'était le postulat du CNCD- 11.11.11 qui organisait une mission en Palestine en novembre dernier. Parlementaires et représentants de la société civile y participaient, tel Christian Kunsch, président du MOC. "Je connaissais un peu la situation, dit-il, mais aller sur place, c'est autre chose !" Et de s'étonner : "Alors qu'on célébrait il y a peu les 25 ans de la chute du mur de Berlin, un autre mur est élevé en Palestine. Pourquoi celui-ci ne suscite- t-il pas autant d'émotion ?" Il promet également une réflexion sur le soutien que le Mouvement ouvrier chrétien pourra apporter à la cause : reconnaître l'État palestinien, informer ses membres, boycotter les produits israéliens ou encore, parmi d'autres pistes, établir des partenariats avec des organisations en Palestine.

Pour en savoir plus ...

Plus d'infos : www.cncd.be (campagne Made in Illegality)