Parentalité

Inégalités de santé : impact sur les réadmissions des bébés    

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Soraya Soussi

Soraya Soussi

Loin d'être un scoop : être dans une situation socio-économique défavorable augmente les chances de connaître des soucis de santé et ce, dès la naissance — peu importe l’état de santé des parents d’ailleurs. Dans une récente étude, la MC s'est intéressée aux nouveau-nés réadmisà l'hôpital dans les 30 jours après leur naissance en fonction de différentes variables comme le statut socio-économique, la grossesse potentiellement à risque, le suivi postnatal, le type d'accouchement ainsi que la durée de séjour. Résultat : Sur près de 179.055 accouchements, 10.543 réadmissions de nouveau-nés ont été recensées sur la période 2015 – 2019. Parmi ces réadmissions, on constate que les bébés BIM ont plus de chance d'être réadmis et ce, indépendamment des autres facteurs. "Posséder le statut BIM est un facteur aggravant le risque de réadmission en hôpital dès la naissance puisque les nouveau-nés BIM ont un taux de réadmission significativement plus élevé de l’ordre de 30 %, par rapport aux bébés non BIM (écart relatif entre 5,7 % et 7,7 %)", déclare Gauthier Vandeleene, chercheur au service d'études de la MC. Si, à première vue, la différence n'est pas énorme, elle indique néanmoins une inégalité non négligeable.

Les causes de réadmission sont multiples : dans la plupart des cas, ce sont des problèmes liés à la jaunisse ou à des troubles alimentaires. Selon la saison, il y a aussi des retours à l'hôpital à cause d'infections respiratoires. Plus rarement et indépendamment de la précocité de la sortie, des infections bactériennes (infections urinaires, septicémie) ou des maladies chroniques dépistées en période néonatale (maladie du métabolisme, malformations cardiaques congénitales) peuvent expliquer un retour du nourrisson à l'hôpital. Hormis pour les cas de jaunisse et de troubles alimentaires, on peut supposer qu'une maman plus vulnérable socialement (ex : en situation de mal-logement, seule ou sans implication du conjoint), psychologiquement (ex : en dépression) et médicalement a plus de chance de rencontrer des problèmes durant et après sa grossesse, de même pour son bébé, s'ils ne sont pas suivis.

Rester plus longtemps ou pas à l’hôpital

La décision de raccourcir la durée de séjour à l'hôpital après un accouchement prise en 2015 par l'ancienne ministre de la Santé, Maggie DeBlock, a été vivement critiquée à l'époque. Les données des réadmissions récoltées par la MC apportent de la nuance a posteriori : le temps passé à l'hôpital n'est pas significativement lié au risque de réadmission. En d’autres termes, les statistiques montrent que ce n’est pas un facteur influençant le risque de réadmission. "Par contre, la décision du retour au domicile doit être prise après concertation entre les médecins et les parents et tenir compte des facteurs sociaux. La maman doit se sentir bien et suffisamment rassurée pour retourner chez elle", souligne Hervé Avalosse, chercheur au service d'études de la MC.

Un accompagnement pluriel indispensable

Si les réadmissions des bébés en hôpital touchent les nouveau-nés BIM et non BIM, il est indispensable de mettre en place un suivi médical, psychologique et social autour de la maman avant, pendant et après sa grossesse. "En tant que pédiatre, nous devons être conscients de la fragilité des patientes et être d’autant plus attentifs à les suivre correctement. Par exemple, en s’assurant que les parents viennent aux consultations ou les informer des possibilités de suivi qu’on met en place, quelle que soit leur situation, insiste le Dr Aline Vuckovic, pédiatre néonatalogiste à l'Hôpital universitaire de Bruxelles (dont l'Huderf). À la maternité du CHU Brugmann — hôpital avec lequel nous travaillons étroitement, les nouveaux-nés issus de familles dépendantes du CPAS ou sans mutualité ne sont pas éligibles à une sortie précoce. Par ailleurs, toutes les mères bénéficient d'un suivi par une sage-femme (6 passages à domicile si mutualité, rendez-vous chez une conseillère en lactation si pas de mutualité) et tous les nouveau-nés doivent être revus dans les 7 à 10 jours par un pédiatre." 

"En tant que pédiatre, nous devons être conscients de la fragilité des patientes et être d’autant plus attentifs à les suivre correctement. Par exemple, en s’assurant que les parents viennent aux consultations ou les informer des possibilités de suivi qu’on met en place, quelle que soit leur situation." Dr Aline Vuckovic

L'Inami a d'ailleurs mis en place la plateforme"Born in Belgium", un outil permettantd'identifier les facteurs de vulnérabilité psycho-sociale d'une femme enceinte et proposer untrajet de soins sur mesure pour elle et son en-fant. Si de nombreux hôpitaux opèrent déjà detels trajets, ils ne sont pour autant pas systémati-sés. Or, les appliquer dans toutes les structuresde soins permettrait indéniablement de dimi-nuer les inégalités de santé, selon les cher-cheurs de la MC.