Seniors

Accueillir un étudiant chez soi, une expérience gagnante

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Une maison qui revit, de l'énergie qui revient, une présence rassurante, des moments de complicité partagée, un complément de revenus, c'est tout cela et bien plus encore qu'offre ce projet de vie intergénérationnel au senior accueillant.(c)1Toit2Ages
Une maison qui revit, de l'énergie qui revient, une présence rassurante, des moments de complicité partagée, un complément de revenus, c'est tout cela et bien plus encore qu'offre ce projet de vie intergénérationnel au senior accueillant.(c)1Toit2Ages
Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

 

Rompre la solitude des personnes âgées et faciliter l’accès au logement pour les étudiants : c'est ce qui a motivé Régis et Claire de Kerautem à créer l'asbl 1Toit2âges en 2009 à Bruxelles. 13 ans plus tard, la volonté de réunir les générations continue de mobiliser l'équipe pluridisciplinaire qui oeuvre à la bonne marche de l'association. Des antennes existent dans plusieurs villes en Wallonie et l'hébergement intergénérationnel est devenu accessible aux jeunes travailleurs en Région bruxelloise, grâce à l'existence d'un bail spécifique prévu par le code du logement bruxellois (2).

Le projet repose sur un constat simple : d'un côté, des seniors − jeunes et moins jeunes − vivent seuls dans un logement qui dispose d'une ou plusieurs chambres inoccupées depuis le départ de leurs enfants. De l'autre, des étudiants (belges et étrangers) cherchent un hébergement calme et chaleureux à la fois, propice à leurs études et pas trop onéreux.
Claire de Kerautem, co-fondatrice de l'association, explique comment cela fonctionne. "Lorsqu'un senior nous contacte, nous le rencontrons chez lui pour voir si les lieux peuvent convenir. Il faut qu'il y ait une vraie chambre meublée. On s'assure que cette personne va bien et que c'est son choix de partager son lieu de vie avec un étudiant. On lui demande si elle souhaite des services de la part du jeune (ce qui réduit le prix, NDLR). C'est plus souvent le cas lorsque la personne est très âgée. Mais il n'est pas question que l'étudiant soit un garde-malade ou assure des soins".

Partenaire des universités et des hautes écoles, l'asbl reçoit de nombreuses demandes qu'elle ne peut pas toujours rencontrer, faute d'accueillants. "Quand on reçoit la candidature d'un étudiant, on s'assure que la démarche est personnelle et que sa motivation première est la rencontre intergénérationnelle".
Après les entretiens, lorsque l'équipe pressent que deux personnes peuvent s'entendre, elle les met en contact. Il faut leur accord à tous deux pour que le binôme se forme. Dans ce cas, une convention d’hébergement est signée pour 10 mois (de septembre à fin juin), prolongeable pendant les deux mois d'été et renouvelable jusqu'à 5 ans maximum. Cette convention peut être plus courte. Elle peut aussi être rompue à tout moment.

Veiller à une cohabitation harmonieuse

Le rôle de l'asbl ne s'arrête pas à la signature de la convention. "Nous prenons régulièrement contact avec l'étudiant et l'accueillant pour s’assurer que tout va bien, poursuit Claire de Kerautem. On joue le rôle de médiateur en cas de problème. Une charte de vie commune cadre les choses. Par exemple, l'étudiant ne peut pas recevoir d'invités ou de personne à dormir, sauf accord de l'accueillant. Certains seniors sont plus ouverts que d'autres, c'est certain. Ce qui importe, c'est que s'instaure une relation de respect, de confiance, et un dialogue entre le senior et le jeune."

Une maison qui revit, de l'énergie qui revient, une présence rassurante, des moments de complicité partagée, un complément de revenus, c'est tout cela et bien plus encore qu'offre ce projet de vie intergénérationnel. Pour l'équipe d'1Toit2Ages, il ne fait aucun doute qu'une telle formule favorise le maintien à domicile et retarde l'entrée en maison de repos des seniors âgés isolés.

"Nous rêvons d'une société où les générations s’entraident et s’enrichissent mutuellement, s'enthousiasme Claire de Kerautem. Les évènements festifs que nous organisons pour nos binômes (après-midi de jeux, repas intergénérationnel, visites culturelles…) nous permettent de toucher du doigt cet enrichissement et nous encouragent vivement à continuer…"

"Je suis complètement dans mon élément"

Sur les hauteurs de Cheratte, Jacqueline, la petite soixantaine, héberge depuis le mois de septembre Amina, une étudiante irlandaise d'origine ivoirienne, venue poursuivre son cursus en commerce international dans le cadre du programme Erasmus. "J'ai travaillé dans le secteur du logement social. Héberger un jeune me semblait une continuité logique. Après les inondations dans la région, j'avais accueilli des sinistrés. Le côté intergénérationnel du projet m'intéressait fort. Et comme je suis veuve et que je vis seule, je me suis dit que cela mettrait un peu de vie dans ma grande maison".

Le courant est tout de suite passé. "Amina a toujours le sourire aux lèvres. Elle vit dans la simplicité. Elle est respectueuse de tout. Elle voulait vivre chez une personne qui parle français plutôt que d'être en kot avec d'autres anglophones. Je l'aide dans son apprentissage et elle progresse bien. Elle compte faire un stage ici cet été et je lui ai proposé de corriger le CV qu'elle a rédigé ".
Parmi les chambres libres de la maison, Amina a choisi celle dans laquelle elle s'est sentie le mieux. Elles partagent toutes les deux la salle de bains. "On a nos horaires. Cela ne pose aucun problème", témoigne Jacqueline. Quant aux repas, les deux femmes prennent ensemble celui du midi quasi tous les jours. "J'adore cuisiner et au moins je sais qu'Amina a un repas chaud complet par jour".

Depuis septembre, la vie s'écoule paisiblement, dans le respect mutuel. Amina reste chez Jacqueline les week-ends. Elles font de temps à autre une activité ensemble, visitent la région. Souvent, Amina sort avec ses amies, part en excursion. Elle est retournée en Irlande lors des fêtes de fin d'année. "Avant son départ, Amina m'avait écrit un petit mot pour me remercier d'être là pour elle. Et au retour, elle m'a offert un cadeau. J'en avais un pour elle aussi. Ce sont des petites attentions qui font chaud au coeur. On a aussi fêté son anniversaire à la maison avec ses amies. Je leur avais préparé le gâteau à la carotte qu'elle rêvait de manger à cette occasion".

Jacqueline ne regrette pas d'avoir franchi la porte d'1Toit2Ages et ouvert sa maison à Amina. "Ce projet, c'est complètement mon truc. Je suis dans mon élément. Aider un jeune, bénéficier d'une présence, partager des savoirs, recevoir une petite contribution financière, tout cela dans un cadre rassurant, c'est l'idéal". Amina ne partira pas avant la fin de l'été mais Jacqueline sait déjà qu'elle renouvellera l'expérience l'année scolaire prochaine, si possible. 


(1) En 2022, sur les 560 accueillants, 12 % ont entre 50 et 59 ans, 31 % entre 60 et 69 ans, 27 % entre 70 et 79 ans, 21 % entre 80 et 89 ans et 9 % entre 90 et 99 ans.
(2) En Région bruxelloise, le bail Sui Generis permet aux étudiants et jeunes travailleurs de se domicilier chez leur accueillant, sans conséquences fiscales ni sociales. Il n'y a rien de tel en Wallonie.

Trois formules d'hébergement possibles

La formule "services" : présence régulière et partage des tâches

L'étudiant s'engage à offrir une présence régulière accompagnée de quelques services (maximum 5 heures par semaine) définis dans la convention, selon les préférences du senior. Par exemple : faire les courses, partager les repas, initier aux nouvelles technologies…
Pour l'étudiant, la participation aux charges est de 200 euros par mois.

La formule "classique" : logement avec indemnité d'occupation

C'est la formule la plus fréquente. L’étudiant est libre de tout service formel mais le principe même de la convention réside dans une relation de courtoisie, de respect, et dans une compagnie bienveillante visant à rompre la solitude.
L'indemnité demandée par l'accueillant est comprise entre 250 et 350 euros (charges incluses).

La formule "domiciliation" : logement avec bail Sui Generis

Cette formule n’est possible qu’en Région bruxelloise. Le bail Sui Generis permet à l'étudiant mais aussi au jeune travailleur de se domicilier chez l'accueillant, avec des charges séparées. Il protège juridiquement les deux parties. Le bail est signé pour 5 mois, renouvelable pour la même durée via un avenant, et ce jusqu’à 3 ans. Par la suite, le binôme peut signer un nouveau bail Sui Generis. Le loyer (charges comprises) est compris entre 300 et 500 euros pour l'étudiant et entre 400 et 600 euros pour le jeune travailleur.
Une caution (un mois de loyer) peut être demandée lors de l'entrée.

Dans les deux premières formules, le binôme signe une convention. Il n’y a donc aucun impact fiscal et rien à déclarer. La troisième formule est également sans conséquences fiscales ni sociales pour les binômes. Des frais de dossier (20 euros) et une cotisation annuelle sont à payer à l'association.

>> Vous souhaitez devenir accueillant ou en savoir plus sur les formules d'accueil intergénérationnel proposées par 1Toit2Ages ? Contactez l'antenne de l'asbl la plus proche de chez vous.