Vie professionnelle

Le "bore out" ou mourir d'ennui au boulot

5 min.
© Radius Belgaimage
© Radius Belgaimage
mongeneraliste.be, Catherine Daloze

mongeneraliste.be, Catherine Daloze

Selon une enquête Steptone, menée en 2008 sur 11.238 salariés européens, 32% d'entre eux restaient au moins deux heures par jour (ou davantage) à ne rien faire... Ces situations résultent de politiques d'embauches inadaptées ou qui ne répondent plus à des besoins actuels. Elles peuvent aussi être la conséquence d'isolements "volontaires" de salariés dans des professions où le licenciement n'est pas possible.

Le nombre de salariés qui sont confrontés au bore out dépasserait largement celui des travailleurs en épuisement professionnel (burn out). Une majorité de personnes emprisonnées dans l'ennui professionnel en souffrent, avec des conséquences sur leur santé physique et mentale.

Malades d'ennui

Le syndrome d'épuisement professionnel par l'ennui ou "bore out syndrom" désigne l'ensemble des souffrances qui frappent les personnes touchées par l'inactivité au travail. Au début, les troubles se traduisent généralement par de la démotivation, à laquelle s'ajoutent parfois de l'anxiété et de la tristesse. Un autre signe possible est paradoxalement une fatigue importante. Bénéficier d'un contrat de travail et toucher un salaire sans rien faire entraînent parfois un fort sentiment de dévalorisation et une perte d'estime de soi.

Une étude britannique suggère que le bore out serait associé à une fréquence plus importante de comportements tels que la con sommation de tabac et d’alcool. Au cours de cette même étude, les chercheurs ont relevé que les salariés qui s'ennuient au travail présenteraient un risque plus élevé d'accidents cardiovasculaires, mais cette constatation est fortement nuancée par le fait que ces personnes cumulaient plusieurs facteurs de risque, dont un niveau faible d’activités physiques.

Bore out : le grand silence

Souvent, les personnes concernées préfèrent ne pas en parler, par honte ou par culpabilité. De toutes manières, avouer que l'on est payé à ne (presque) rien faire est loin d'être facile. Cette confidence risque de susciter peu de compassion, ou un manque de compréhension quand le seul critère de jugement se limite au fait d'avoir la chan ce de posséder un emploi.

En pratique, le salarié opte fréquemment pour diverses stratégies. Certaines vont de la minimisation de sa situation (et de ses souffrances) à la réduction du temps de présence. Il arrive aussi que la personne tente de "voler" le travail des autres, occupe son temps à chatter et à aller sur Internet, ou s'invente de nouvelles tâches.

Fréquemment, elle traîne démesurément sur chaque activité afin de tenter de combler le vide de ses journées. Autre attitude possible : pour donner le change, certaines personnes en bore out adoptent des simulacres d'investissement professionnel et de suractivité.

Sortir de l'oisiveté

Contrairement au burn out, l'arrêt de travail n'est pas une solution contre le bore out. En effet, l'absence conforterait un cercle vicieux et accentuerait le problème, puisqu'elle prive la personne de tout semblant d'activité professionnelle.

La première étape pour mettre fin à un bore out passe par le fait de prendre clairement conscience de la situation et de l'admettre, ce qui n'est pas si simple. Seule cette acceptation permet au salarié concerné de prendre un nécessaire recul. Différentes mesures ou stratégies peuvent ensuite émerger. Si la personne ne craint pas un licenciement en évoquant un tel sujet, pourquoi ne pas engager un dialogue avec sa hiérarchie (et/ou le service des ressources humaines) ?

L'objectif est évidemment de faire évoluer les choses, en restituant au salarié des missions en adéquation avec ses compétences. Dans certains cas, un changement de poste s'avère possible et plus encore si la personne en bore out a préparé ce type de modifications, y compris en acquérant au préalable les compétences nécessaires, montrant ainsi sa motivation.

Enfin, parfois, il faut se résoudre à envisager de postuler ailleurs, et/ou s'y préparer.

Histoires d'ennuis

Dans les rayons des libraires, les livres sur le burn out se comptent à la pelle. On y décrit le phénomène d'épuisement professionnel. On analyse ses causes. On tente des conseils pour l'éviter ou le soigner… Le bore out, en comparaison, fait plutôt office de parent pauvre. Peu connu, peu reconnu, le syndrome d'épuisement par l'ennui révèle des histoires tout aussi difficiles.

Surqualifié et sous-employé

"Victor est technicien dans une entreprise d'informatique. Il est surdiplômé, et le travail qu'on exige de lui est très en dessous de ses capacités réelles. C'est tout au moins comme cela qu'il le ressent. Ce sentiment de sous-emploi le mine psychologiquement et lui retire toute considération pour sa personne et aussi pour son travail. (…) Il voulait, au début, tenir, parce que 'c'était un passage obligé' pour progresser ensuite, mais le piège s'est refermé sur lui. Il en arrive maintenant à ne plus tolérer les tâches quotidiennes qu'il doit exécuter et qui, redondantes et lassantes, le laissent totalement 'sur sa faim'. (…) Il est en CDI et il a des difficultés à abandonner son poste par ailleurs lucratif. (…)"

Victime de jalousies

"Sylvie a 32 ans. Elle est célibataire et travaille beaucoup. Par ses capacités de travail, elle crée autour d'elle de la jalousie, et les menaces se succèdent car elle 'en fait trop'; on l'accuse en quelque sorte de 'tuer le métier'. Son chef prend fait et cause pour le reste du personnel et la prive progressivement de travail. Depuis plusieurs mois, elle n'a même plus une lettre à taper, alors que c'est son métier et qu'elle l'a toujours fait consciencieusement.(…)"

À en devenir parano

"'Depuis plusieurs années dans le même bureau et quatre ans après avoir changé de service, je me retrouve sans rien faire.' Pourtant Thomas ne sait justement pas comment ne rien faire, ni comment attendre que le temps passe. (…) De plus, il a l'impression qu'il y a 'un espion' dans son bureau ! Il se sent surveillé sans cesse, espionné même (…). Il s'estime victime à la fois d'un ennui écrasant au travail qu'il ne maîtrise pas et d'un harcèlement dont il ne sait plus s'il est réel ou fantasmé (…). Il aimerait changer de service, mais on ne lui propose rien et, même, on se moque un peu de cet ennui qui aurait tendance à le faire 'délirer'."

Tenir pour ne pas perdre la face

"Micheline tient un commerce de lingerie féminine. Les affaires ralentissent depuis plusieurs mois et le moral s'en ressent évidemment, d'autant plus que les charges sont toujours présentes. (…) La situation est d'autant plus difficile à accepter que Micheline doit rester des heures entières dans sa boutique, qu'elle ne peut quitter, sans voir personne. Seule avec ses soucis financiers et un psychisme qui se dégrade rapidement, la dépression la guette. Elle ne peut se résoudre à quitter son commerce et, bien que s'ennuyant mortellement, veut malgré tout sauver la face et rester présente, comme elle l'a toujours fait. (...)"

Entreprise en crise

"Si Karine a accepté un travail d'accueil dans un garage, ce n'est pas par goût particulier pour ce type de travail mais parce que le choix était mince. D'ailleurs, elle n'a pu obtenir dans un premier temps qu'un CDD. (…) Elle passe des journées entières à ne voir personne ! C'est un désastre affectif pour Karine, qui s'accuse de cet échec et prend pour elle l'absence de clientèle à renseigner alors qu'elle n'y est vraiment pour rien. C'est son travail qui est en crise, pas elle. En effet, le garage traverse une phase de difficultés financières et n'assure plus son service avec efficacité. (…) Heureusement pour elle, elle est en CDD, et cela facilitera son éventuel changement d'emploi. Dans cette attente, et pour ne pas retomber dans une dépression qu'elle a déjà connue, (…) elle va tenter des cours par correspondance (…)."


Pour en savoir plus ...

>> Pour mieux comprendre la santé et celle de votre entourage, consultez le site www.mongeneraliste.be partenaire de la MC. Réalisé par des médecins de famille, il offre une information sérieuse et validée.