Vivre ensemble

Intergénérationnel : éveil et réveil

3 min.
© Estelle Toscanucci
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Estelle Toscanucci

Estelle Toscanucci

Il faut à peine quelques minutes pour prendre conscience qu'il se passe quelque chose de joyeux au home Saint Joseph, situé un peu en retrait d'une vaste chaussée à Montignies- sur-Sambre. Les premiers bruits qu'on entend en y pénétrant sont des brouhahas d'enfants. Cela fait maintenant plus d'une semaine que 11 animateurs de Jeunesse & Santé y ont pris leur quartier. En cette fin de mois d'août, ils organisent des activités pour 64 enfants âgés entre 3 et 13 ans et pour les résidents du home qui le souhaitent. Quatrevingts hommes et femmes, la plupart âgés entre 80 et 95 ans, vivent dans le bâtiment. "C'est la 3e année que nous organisons cette plaine de jeux intergénérationnelle", explique Alix Marcon, permanente à J&S Hainaut oriental. "Au départ, la directrice du home nous a contactés car elle disposait de locaux vides qui correspondaient bien à nos attentes. Mais, très vite, l'idée de proposer des activités auxquelles enfants et personnes âgées pourraient participer nous est venue à l'esprit. Nous avons travaillé avec Anne Tournay. Elle est ergothérapeute." Quels types d'activités choisir ? Comment répondre aux envies de chacun? Les conseils d'Anne ont été précieux. "Mes enfants ont fait partie de J&S et j'ai moi-même une expérience dans les mouvements de jeunesse, je savais donc comment les deux petits mondes fonctionnaient. J'avais conscience que j'allais venir vers les animateurs avec des contraintes supplémentaires. Par exemple, organiser une activité à 11h n'est pas une bonne idée. À 11h30, la plupart des résidents sont devant la porte de la cafeteria qui ouvre à midi. Ils ont également des limites et ne sont pas tous autonomes. Mais les bénéfices de ces jeux communs sont nombreux." Il est maintenant l'heure pour Anne d'installer les résidents qui vont participer à l'activité "défis" de l'après-midi.

Tout le monde a bien compris ?

Marmots par terre, aînés confortablement installés sur des chaises et fauteuils. La troupe est tout ouïe. Les animateurs expliquent le jeu, ils s'appliquent à parler fort et lentement. Les enfants s'impatientent. Ils commencent à se lever et veulent entamer l'activité. Les plus âgés sont calmes, attentifs, observateurs. Ils ne semblent pas du tout gênés par la cacophonie ambiante. Le jeu commence, les animateurs distribuent des petites pastilles colorées. Une dame, un peu perdue, la met en bouche, Anne réagit vite. Pendant ce temps, une petiote prend peur et quelques larmes coulent. Elles sont vite séchées par une animatrice. L'aspect physique et les difficultés d'expression des uns et des autres peuvent surprendre, il faut un peu de temps pour apprendre à se connaître. C'est parti. Par ici, un monsieur prend sa mission très au sérieux. Il distribue les cartes à jouer, donne quelques ordres sur un ton un peu bourru qui ne semble aucunement perturber les enfants. Par-là, une dame quitte son "stand pictionnary" sans crier gare. Un peu en retrait, une blondinette a élu domicile sur les genoux d'une dame. Ces deux-là sont copines, elles papotent et ne prennent pas vraiment part à l'activité. Peu importe ! Il faut s'adapter à tout. Alix explique : "c'est vrai qu'il faut à la fois être très préparé et très souple. Lors d'une plaine de jeux classique, on peut se permettre de changer d'activité si cela ne fonctionne pas. Ici, il faut aller jusqu'au bout et être plus créatif". Des propos confirmés par Isaline, animatrice : "il ne faut pas oublier que les résidents se comportent aussi comme des enfants. Il faut être attentif au bien-être des deux groupes d'âge. Ils réagissent différemment au contact des enfants qu'à celui des adultes. Mais pour nous, cela veut dire un double retour positif, et très gratifiant".

Des nouveaux potes

À côté des activités principales, les animateurs proposent aussi du bingo, des chants, des bricolages…"Ces activités marchent bien, confie Alix. On s'amuse en équipe. Les résidents montrent aux enfants comment colorier sans dépasser et les petits aident à découper lorsque les ciseaux tremblent un peu entre des mains moins sûres." Parfois acteurs, parfois spectateurs, parfois transmetteurs, les personnes âgées qui participent volontairement aux activités en parlent beaucoup avec Anne. Ces quinze jours de plaine sont leur rayon de soleil. Cette présence enfantine lumineuse se propage aussi sur les personnes qui n'ont pas la possibilité de sortir de leur chambre. Et puis, il y a celles qui se révèlent, l'ergothérapeute ne cesse d'être surprise par les résidents qui développent des capacités insoupçonnées lorsqu'ils sont avec les petits. "Il y a quelques jours, une dame qui éprouve généralement de grosses difficultés d'expression a expliqué les consignes d'un jeu avec une précision et une assurance qui m'ont épatée." Du côté des enfants, Alix pointe l'ouverture d'esprit, la responsabilisation et le respect. Aider, ça fait aussi grandir. Mais l'important, pour chacun, reste l'amusement. Comme le confirme Kylian, 9 ans : "les personnes ici sont cool et gentilles. Elles s'amusent et rigolent avec nous, sans jamais crier. Ce sont des potes à qui il faut parler un peu fort." Même sentiment du côté de Noëlla, qui n'est pas loin d'avoir 10 fois son âge : "les enfants s'amusent mieux ici que dans la rue ! Il y a de grands couloirs dans lesquels ils peuvent courir. Tous les enfants disent bonjour, certains ont de drôles de prénoms !" Et le bruit, madame, cela nous dérange pas ? "Ce n'est pas gênant, on peut prendre un Aspro à la fin et ça passe."