Vivre ensemble

La Wash Mobile, buanderie itinérante pour SDF

2 min.
Le lavage itinérant de vêtements, à Charleroi. Une question de dignité, d'assurance et d'image de soi pour les SDF
Le lavage itinérant de vêtements, à Charleroi. Une question de dignité, d'assurance et d'image de soi pour les SDF
Philippe Lamotte

Philippe Lamotte

"Ton sac à dos, je le lave aussi ?" Gérard, un SDF bardé de tatouages au regard bleu cobalt d'une douceur infinie, interroge le nouveau venu. Celui-ci vient toute juste de se présenter, tirant deux caddies bourrés de vêtements, à la Wash Mobile, une camionnette parquée sur la place du Nord Michel Levie, située à deux pas des Restos du cœur et de l'abri de nuit de Charleroi. Quelques minutes plus tard, un léger grondement indique que les deux lave-linges rivés à l'intérieur du véhicule tournent à tambour battant. Et, une heure après, les habits du visiteur sont secs et prêts à être repassés, tandis que les deux hommes bavardent autour d'une petite table garnie de biscuits et de tasses de café.

Scène de la vie ordinaire, depuis quelques mois, tous les mercredis après-midi à Charleroi. L'idée est à la fois simple et originale : permettre aux sans-abris de laver gratuitement leurs vêtements et, de là, augmenter leurs chances de réintégration dans les circuits sociaux. "La plupart vivent dans des squats ou des taudis dont l'état a de quoi fendre le cœur, explique Faysal Abarkan, Carolo de 24 ans à la source de l'initiative. Pour rejoindre leur planque, certains doivent passer par un terril, ce qui est salissant. Comment voulez-vous vous présenter à une offre d'emploi ou à un propriétaire si vous n'êtes pas propre ? C'est aussi une question de dignité : l'assurance, cela commence par l'image de soi !"

Du sandwich aux subsides

Si Faysal a eu une telle idée, c'est parce qu'il a croisé, il y a six ans, un de ses anciens compagnons de classe occupé à faire la manche devant le Palais des Beaux-Arts de la ville. Bouleversé, il lui a partagé son sandwich mais n'a pas voulu en rester là. Avec une bande de copains, il a monté une association ("Formidable") qui, depuis lors, a mis sur pied quelque 200 projets pour les sans toit de la ville : récoltes de vêtements, activités maraichères, matches de foot avec les pompiers et les policiers, collectes de sang, etc. Pour la camionnette et son équipement (deux lave-linges et deux séchoirs), la petite bande s'est lancée dans une course aux subsides qui a commencé par la réponse à un appel d'offres du Fonds Prince Philippe, géré par Fondation Roi Baudouin, et qui s'est terminée par le soutien du Sporting club de Charleroi, en passant par la mise à disposition gratuite par la Ville de l'eau de distribution et le raccordement aux égouts.

 "La plupart des SDF vivent dans des squats ou des taudis dont l'état a de quoi fendre le cœur"

 

Rompre l'isolement

Résultat des courses : chaque mercredi, sept à dix SDF se présentent à la Wash Mobile. Autant d'occasions pour ceux-ci d'engager un bout de papote avec les gens qui passent sur la place et, encouragés par Faysal, de rompre leur isolement. "Avant la Wash Mobile, je jetais mes vêtements à la poubelle parce que je ne pouvais pas les garder sur moi plus d'un mois, commente Gérard. Ils puaient trop ! Et les laveries automatiques sont loin d'être gratuites… Maintenant, je me sens mieux. Et j'aime aider les nouveaux venus. On se sent très bien acceptés dans le quartier " L'initiative connaît un tel succès qu'elle pourrait se voir complétée par des douches dans quelques mois. Et se démultiplier à La Louvière et à Mons. Des bonnes nouvelles, assurément, mais qui en disent long sur l'état du logement et la croissance de la précarité dans les villes…

 

(1)   www.kbs-frb