Editos

L'accès aux droits individuels, notre affaire à tous            

3 min.
Alexandre Verhamme, Directeur général MC

Alexandre Verhamme, Directeur général MC

La crise énergétique risque de devenir la crise de trop. Les conséquences sont peut-être moins brutales que celle du Covid, mais insidieusement aussi dramatiques. Elle ne met pas directement la vie en danger, mais menace de plonger des centaines de milliers de personnes dans la pauvreté. Et puisque la pauvreté est l'un des déterminants les plus importants de la santé (y compris de la santé mentale), les organisations sociales et de la santé se retrouvent une fois de plus dans l'œil du cyclone.


Cette crise soulève de nombreux enjeux structurels aux niveaux national et européen en matière de régulation du marché, de taxation des profits, d’indépendance énergétique. Elle rappelle l’urgence de mener des mesures en matière d’isolation, de mobilité, et plus globalement, de transition énergétique juste et durable. Ce n’est pas le moindre des points à nos yeux, elle remet aussi d’actualité la question essentielle de l’accès aux droits sociaux (lire aussi l’édito du 16 septembre 2021 "Un droit est un droit").        

Pendant le confinement, le gouvernement avait décidé d’octroyer temporairement le tarif social énergie aux bénéficiaires de l’intervention majorée (BIM). Mesure prolongée à de multiples reprises depuis et toujours en vigueur. Pour rappel, l'intervention majorée a été créée pour offrir aux personnes à faible revenu un remboursement plus élevé des frais médicaux. Parce que ce statut permet d’identifier un public financièrement fragile, il est de plus en plus utilisé comme base pour accorder des aides dans d’autres domaines (transport, énergie, etc.) Malheureusement, beaucoup de personnes dans le besoin et dans les conditions pour obtenir ce droit s’ignorent encore. Si l’octroi du statut est automatique pour certaines catégories d’allocataires sociaux (revenu d’intégration, Grapa, allocation pour handicapé, etc.) pour d’autres, une enquête sur les revenus est nécessaire. Or, ces personnes ne sont pas toujours correctement informées et/ou identifiées.

Lutter contre le non-recours

Si l’ampleur du non-recours aux droits reste difficile à évaluer, certains chercheurs évoquent des taux de non-recours qui pourrait être de l’ordre de 40 à 50 % pour l’intervention majorée.  En tant que mutualité profondément ancrée dans nos convictions de solidarité, nous voulons activer les leviers qui sont à notre portée pour faire valoir ces droits.   
Depuis 2015, nous avons pu nous mettre proactivement à la recherche de personnes qui, selon les signalements qui nous ont été fournis par l’administration fiscale, étaient éligibles à l’intervention majorée sur base de leur déclaration. Les chiffres de 2020 montrent que cette approche a permis à 19.793 membres de la MC de bénéficier de l’intervention majorée. Un ménage/membre sur dix contacté y avait droit.

Alors que la crise économique se durcit, la question du non-recours aux droits au sens large doit être une priorité

La question du partage des données invite légitimement à faire preuve de la plus grande prudence pour respecter la vie privée. Mais c’est aussi un levier pour renforcer l’accès aux droits sociaux. Dans ce contexte, la MC avance deux propositions pour simplifier l’accès au statut BIM. Aujourd’hui nous devons encore demander une certaine "charge de la preuve" au citoyen et les informations fiscales deviennent vite obsolètes dans des situations où les revenus peuvent être précaires. Fournir aux mutualités des moyens de collecter numériquement des données sur les revenus plus récents permettrait de toucher plus rapidement les personnes qui en ont besoin et faciliter les démarches. Par ailleurs, il nous semblerait pertinent de donner automatiquement droit à l’intervention majorée aux personnes dont on sait qu'elles ont des revenus modestes qui resteront stables. Un retraité de 85 ans ne gagnera probablement plus d'argent supplémentaire. Rien ne sert de l’alourdir administrativement.

Le défi est d’abord individuel, mais la sérénité sociale de toute une population est en jeu.

Alors que la crise économique se durcit, la question du non-recours aux droits au sens large doit être une priorité. Les travailleurs sociaux le répètent, les suivis administratifs sont de plus en plus complexes et trop nombreux sont ceux qui passent entre les mailles du filet. Ce qui était vrai hier pour les plus fragiles, va devenir une réalité pour un nombre très largement supérieur de citoyens pudiquement regroupé sous l’appellation de "classe moyenne". À cet égard, la question d’un élargissement du tarif social énergie doit aussi être posée.


Il n’est plus possible de considérer que la mise en œuvre "classique" de nos systèmes de protection va suffire pour faire barrage à la pauvreté croissante. Attaquer les situations de précarité en s’adressant proactivement à certains publics fuyant les procédures longues et complexes constitue assurément l'une des missions de la MC. Il faut éviter que des situations de fragilité se dégradent au point de nuire fondamentalement à un bien-être minimum légitime. Le défi est d’abord individuel, mais la sérénité sociale de toute une population est en jeu.

En savoir plus sur le statut BIM sur mc.be/bim